samedi 28 juin 2008

Be Kind, Rewind !

Réalisateur : Michel Gondry

Acteurs : Jack Black, Mos Def, Danny Glover, Mia Farrow, Melonie Diaz...

Date de sortie : 5 mars 2008

Résumé : Dernier film de Michel Gondry, « Be Kind, rewind ! » raconte l’histoire d’un vidéo club du New Jersey, tenu par M. Fletcher (interprété par Danny Glover) dont l’unique employé, Mike (Mos Def) est ami avec Jerry Gerber (Jack Black). Ce dernier au cours d’un « accident » va se retrouver à effacer l’ensemble des VHS du magasin. S’en suit une suite de péripéties où ils vont tenter de réparer cette bêtise en tournant avec leurs propres moyens les films qu’ils ont effacés.

Image : Affiche du film



Critique : L’idée de ce film est simple et ne s’écarte pas de la ligne directrice des précédents longs métrages de Michel Gondry. La mémoire apparaît comme fluctuante et en perpétuelle reconstruction. A cela s’ajoute un hommage à un cinéma bis, entre potes, où la drôlerie et le clin d’œil sonnent comme des hommages vibrants aux œuvres auxquelles elles se réfèrent.

« Be Kind, Rewind ! » démarre par une phase introductive où le décor se plante et où l’histoire se lance avec l’effacement des VHS par Gerber. A partir de ce point de départ, le film se divise en deux parties. La première raconte la « correction » de cette gaffe initiale, jusqu’à l’arrivée de Sigourney Weaver défendant la « protection intellectuelle » des films, en passant par le succès de cette petite entreprise. La seconde s’intéresse au sauvetage du video-club par Mike et Jerry Gerber, aidés par tout le quartier dans la réalisation de leur projet, à savoir, un vrai-faux documentaire sur la vie de Fats Waller. Pourtant, malgré l’effort de nos deux compères et la diffusion du film, le video-club sera bien détruit.

Ces deux parties se ressemblent étrangement et répondent au même schéma. Lorsqu’un pouvoir libertaire s’échappe, celui-ci semble toujours rattrapé par le « pouvoir », les « institutions »… Toute la première partie et sa force libertaire, s’appuyant sur ce détournement des films « officiels », se voit ainsi rattrapée par le « pouvoir » de ces films et leur « autorité ». La tentative d’évasion, à laquelle répondaient ces films « swedés », avorte face aux autorités. Dans la seconde partie, le film tourné par l’ensemble du quartier a autant pour but de réunir le quartier dans un grand élan fraternel, que de sauver le video-club de la destruction. Cette initiative échouera. Les dispositifs du pouvoir sont les plus puissants et anéantissent automatiquement toute velléité d’émancipation. Les deux « échappées » du film, les deux « lignes souples (1) » au cœur du film, sont brisées par les « lignes dures (2) » réapparaissant toujours lorsque l’on tente de leur échapper.

Alors dans quelles « lignes souples » se glissent Mike et Jack pour exister ? Quelle idée fondamentale, dans le cinéma de Michel Gondry, peut s’exprimer au cœur de ces « lignes souples » ? Celle de la reconstruction de la mémoire. Elle apparaissait déjà dans « Eternel sunshine of the spotless mind ». Ces deux films ont en commun de reposer sur le même principe de destruction-reconstruction de la mémoire. Jim Carrey effaçait de sa mémoire l’être aimé pour mieux pouvoir le retrouver, ici Jack efface les films cultes, pour mieux « retrouver » les scènes cultes. Entre en jeu dans ces deux cas, un mécanisme d’effacement puis de réappropriation de la mémoire pour mieux capter « l’essentiel », l’essence d’une relation pour Jim Carrey ou pour Mick et Jack, l’essence de l’amour que l’on voue au cinéma. Le film sur Fats Waller offre une plus grande résonance à la première partie, car là, c’est la « réalité » qui est transformée pour cadrer avec les aspirations du quartier et des personnages principaux. Ainsi la vie de Fats Waller n’est qu’un prétexte pour concilier le quartier autour d’un projet commun, mais également pour que le mensonge de M. Fletcher, interprété par Danny Glover, devienne réalité, que son rêve s’ancre dans la réalité et ainsi échapper quelques instants à la réalité… le remplacement de son video-club par des lotissements modernes.

Ce film de Gondry se nourrit de cette destruction-reconstruction de la mémoire avec, au dessus d’elle, ce « combat » entre les lignes souples de ses personnages, toujours rattrapées par les « lignes dures » du pouvoir, détruisant leurs rêves lorsque ceux-ci semblent se réaliser. Ces « lignes souples » offrent une légère consolation, une échappée légère et fugace au cœur d’un monde ne laissant pas le temps aux rêves de s’envoler, de se nourrir et de grandir.

(1) : Les lignes souples sont définis par Deleuze et Guattari comme les lignes voguant autour des « lignes dures » sans les remettre en question.

(2) : Les lignes dures sont définis par Deleuze et Guattari comme les dispositifs du pouvoir, celles qui promettent un « avenir », une carrière...

Aucun commentaire: